Vers un baril de pétrole au dessus des 100$ ?

Rffinerie de pétrole
Industrie Pétrolière

Malgré un effondrement des cours du pétrole ces trois dernières années et une fuite des capitaux celui-ci devrait revenir rapidement sur le devant de la scène et faire revenir les investisseurs.

Un effondrement des cours du pétrole depuis trois ans

Suite à l’émergence du pétrole de schiste principalement aux Etats Unis, les cartes de la production mondiale de pétrole brut ont étés redistribué. Cette année les Etats Unis devraient selon les analystes de l’OPEP produire au total 9,294mb/j (millions de barils par jour). La production de pétrole de schiste représente au total 4.750mb/j. A titre de comparaison en 2015 les Etats Unis ont produit 9.408mb/j. En deux ans nous assistons à une baisse de 1.21% de la production, mais il y a des contrastes intéressants lorsque l’on analyse les données. La production de pétrole dit conventionnelle baisse sur cette période de 13.6% lorsque la production de pétrole de schiste augmente elle de 3.5% et ce malgré l’effondrement des cours. On notera également que les investissements dans le golfe du Mexique ont fait progresser la production de 10%.

Extraction des hydrocarbures aux USA
Evolution de l’extraction d’hydrocarbures et de gaz naturel aux USA de façon conventionnelle et non conventionnelle. Source : rapport de l’OPEP août 2017

Le rôle des états Unis dans la baisse des cours mondiaux est primordial. Ce nouvel acteur majeur autrefois l’un des plus gros importateurs entraîne une surproduction par rapport à la consommation dans un secteur où les prix durablement élevés semblaient acquis.

L’anticipation de l’arrivée de l’Iran sur le marché suite à la fin du programme d’embargo américain (remis en cause depuis l’arrivée de l’administration Trump à la Maison Blanche) ainsi que la force du dollar US ont précipité les cours sous les 30$ au début de l’année 2016. Les rivalités grandissantes au sein de l’OPEP expliquent aussi en grande partie cette chute. Les luttes de pouvoir au sein de l’organisation entre l’Arabie Saoudite (soutien des Etats Unis) d’un côté et de l’Iran et du Venezuela de l’autre empêchent une action commune de ralentissement de la production. La conséquence est que l’OPEP n’arrive plus à manipuler les prix du marché. L’Arabie Saoudite était d’ordinaire le régulateur car le plus gros exportateur mondial avec une production estimée pour l’année 2017 à 10.070mb/j refuse désormais de réduire seule sa production. Le royaume souhaite désormais une action commune de l’organisation menée conjointement avec la Russie pour réduire la production de 1.2mb/j. Pour l’instant cette baisse de la production est immédiatement compensée par le Schiste Américain, celui-ci aura cependant ses limites à long terme.

 

Les conséquences industrielles de la baisse du pétrole

En 2016 il y a eu 174 découvertes de gisements de gaz et de pétrole dans le monde. A titre de comparaison il y en a eu 400 en 2013 lorsque les cours du pétrole cotaient au-dessus de 100$ le baril. Il s’agit de la pire année depuis 60 ans. En deux ans et demi plus de 440 000 emplois directs ont été détruit dans le secteur et les investissements des majors ne cessent de baisser. Ils sont aujourd’hui inférieurs de 240mds$ par an en comparaison de l’année 2014.

nouvelles découvertes et dépenses dans l'industrie pétrolière
Evolution des nouvelles découvertes et des dépenses d’exploration dans l’industrie pétrolière et gazière. Source : les échos

Les conséquences pour les sous-traitants des Majors sont désastreuses. Les compagnies d’exploration et les équipementiers souffrent le plus de cette situation. Les Majors ne sont pas épargnées et s’endettent massivement afin de pouvoir continuer de verser leurs dividendes. Ainsi la compagnie Exxon Mobile a vu son endettement progresser de +9.4 milliards d’euros entre 2014 et 2017 (données estimées pour l’année 2017). Sur la même période Chevron fait encore mieux avec +20mds$ de dette supplémentaire ce qui représente une augmentation de celle-ci de +136.7% en seulement 3 ans ! Certaines s’en sortent mieux que d’autres mais le secteur est très impacté financièrement.

Ces baisses de revenus obligent les compagnies à tailler massivement dans leurs investissements comme nous l’avons vu précédemment. Cela remet en cause les ambitieux projets offshore notamment en Arctique et en eaux profondes qui nécessitent un prix du baril élevé pour assurer leur rentabilité.

 

Les conséquences géopolitiques

Les conséquences géopolitiques de ces pertes de revenus pour les états producteurs sont colossales. L’exemple le plus impressionnant est le Venezuela dont les revenus de l’état dépendent à 95% des ressources pétrolières. Le pays est plongé dans un chaos total, le taux de pauvreté dépasserait 80% et l’inflation annuelle les 560%  (source bloomberg).

En Arabie saoudite (premier exportateur mondial) le déficit de l’état pour 2017 est estimé à 14% du PIB. C’est pourquoi l’état Saoudien envisage d’introduire 5% de Saoudi Aramco la compagnie pétrolière nationale en bourse. JP Moragn Chase & co, Morgan Stanley et HSBC ont étés mandatés afin de mener l’opération. L’introduction doit se faire sur la bourse de Riyad ainsi que sur une place étrangère (je ne pense pas prendre trop de risques en misant sur New York). L’opération censée être mise en place en 2018 devrait permettre d’abonder le fonds souverain du pays et le valoriser à hauteur de 2 000 milliards de dollars. Cet argent doit être investi dans d’autres secteurs que les hydrocarbures afin de diversifier l’économie du pays beaucoup trop dépendante du secteur pétrolier. En octobre dernier Riyad avait déjà procédé à une émission obligataire de 17.5mds$ pour boucler son budget. Ce dernier a d’ailleurs profité de taux d’intérêt très attractifs pour un pays émergent.

D’après les analystes grâce au pétrole non conventionnel les USA devraient devenir autosuffisant vers 2020 et atteindre un pic de production vers 2023 avant de réduire la cadence. Ce changement est très important car les importations de pays du golfe ne représentent plus qu’une part minime de la consommation du pays. Désormais une hausse des cours profite à l’industrie du pays ce qui n’était pas le cas autrefois. Je ne cesse de penser à l’opération « tempête du désert » menée en 1991 contre Saddam Hussein suite à l’invasion du Koweit et de comparer cette situation à l’invasion d’une partie de l’Iraq et de la Syrie par l’Etat Islamique. Il y a 25 ans une coalition de pays occidentaux avec les Etats Uns en tête auraient été envoyés pour régler le problème rapidement et calmer les tensions sur les cours du brut. Aujourd’hui cette époque est terminée.

 

Pourquoi la probabilité d’une hausse des cours est importante

Une demande qui va continuer de croitre

D’après le scénario principal de l’AIE (agence internationale de l’énergie) la consommation de pétrole devrait continuer de croître, même si la  hausse de la consommation ralentit fortement. A horizon 2040 la consommation mondiale devrait se situer à 103 millions de barils par jour. La géographie de la consommation mondiale continue de s’orienter vers les pays en voie de développement. Les pays asiatiques devraient consommer plus de pétrole à eux seuls que l’ensemble des pays de l’OCDE à horizon 2030.

Offre/demande pétrole brut
Evolution de l’offre (bleu) et de la demande (rouge) de pétrole dans le monde en million de barils par jour. Source : OPEP

En Afrique subsaharienne il y a toujours 1.2 milliards de personnes qui n’ont pas accès à l’électricité et 1.8 milliards qui continuent de dépendre de la biomasse pour la cuisson de leurs aliments. La croissance économique de ces régions va permettre à ses habitants d’avoir accès à de nouvelle sources d’énergie. Ce qui va accroître la demande en énergie fossile à long terme.

Dans le scénario principal de l’AIE un investissement de 44 000 milliards est nécessaire d’ici 2040 afin d’assurer l’approvisionnement énergétique mondial. 60% de ces investissements devraient se faire dans le pétrole, le charbon et le gaz naturel. Seuls 20% de ces actifs devraient être investi dans les énergies renouvelables.

Ces investissements massifs doivent se faire selon l’AIE en conséquence du déclin de la production des gisements existants. D’après l’estimation des analystes ce déclin devrait correspondre tous les deux ans à la production actuelle de l’Irak soit 4.46 millions de barils par jour (environ 5% de la production mondiale). Un renouvellement des gisements et donc un investissement massif en exploration et extraction est indispensable dans les années qui viennent.

Les voitures électriques n’auront qu’un effet négligeable

Dans le scénario principal de l’AIE le nombre de voitures électriques devrait atteindre 30 millions d’unités en 2030 et dépasser les 150 millions en 2040. D’après les estimations cela réduirait la demande de pétrole d’environ 1.3mb/jour, soit à peine plus de 1% de la consommation actuelle. Dans le « scénario 450 » qui est le plus optimiste quant au développement des énergies renouvelables il y aurait à cette date 715 millions de véhicules électriques en circulation. L’impact sur la demande mondiale serait alors de 6mb/j, soit 6% de la consommation actuelle…

La  production électrique devrait représenter 40% de la consommation additionnelle d’énergie d’ici 20 ans. Ainsi l’Inde devrait voir sa demande tripler et celle de la Chine augmenter de 85% sur cette période. L’agence estime qu’il n’y aura aucun déclin des subventions étatiques au développement des énergies renouvelables avant 2030. Elles ne seront donc pas considérées comme rentables d’ici la. Une utilisation massive ne peut être envisagée sans le développement d’un système de stockage d’énergie (qui pour l’instant n’existe pas).

L’AIE estime que « Actuellement, le signal collectif envoyé par les gouvernements (…) est que les combustibles fossiles, notamment le gaz naturel et le pétrole, resteront le socle du système énergétique mondial pour de nombreuses décennies« . L’agence s’inquiète également du faible niveau de dépense des Majors en exploration de nouveaux gisements durant l’année 2015 et 2016 et estime que si cela se poursuit en 2017 (ce qui  semble être le cas comme nous l’avons vu précédemment) « Il ne serait de plus en plus improbable que la demande et l’offre puissent s’équilibrer au début des années 2020« .

Le pétrole de schiste, une offre de court terme

Les pétroles de schistes devraient permettre à court terme de compenser le manque d’offre conventionnelle. Cependant ils ont eux aussi leur limite en terme de volume et de durée. Comme nous l’avons vu précédemment après 2023 (aux USA)  la production devrait commencer à décliner après avoir atteint un pic. Ils ne pourront donc plus compenser suffisamment par la suite, hors les délais de mise en service des puits conventionnels est d’une durée moyenne de 3 à 6 ans. L’année dernière 174 nouveaux gisements de pétrole et de gaz ont étés découverts dans le monde contre 400 en 2013, c’est le niveau le plus bas depuis 1950.

Evolution de l'extraction des principaux puits pétrolier de schiste US
Evolution de la production des principaux gisements de pétrole de schiste aux USA pour 2017 et 2018 (estimations). Source : OPEP

D’ici 2040 la majorité de la production supplémentaire devrait venir d’Iran avec environ 6mb/j (3.8mb/j actuellement) et d’Irak avec 7mb/j (4.47mb/j actuellement). Cependant l’Iran est toujours sous embargo US et étant donné l’orientation de la politique étrangère de l’administration Trump il est peu probable que cela change avant 2020. L’Irak quant à elle est toujours en pleine guerre civile (depuis 2003) et peine à retrouver ses capacités logistiques de l’époque de Saddam Hussein (notamment en ce qui concerne sa flotte de tankers coulée en 1991).

Un risque géopolitique majeur

Un niveau de prix du baril à 50$ ne satisfait personne hormis les consommateurs. Les principales compagnies pétrolières ont besoin d’un cours à 60$ pour retrouver leur rentabilité et cesser de s’endetter pour verser leurs dividendes. Les pays producteurs qui sont pour beaucoup des régimes autocratiques se trouvent dans des situations financières fragiles. L’Arabie Saoudite ne pourra pas tenir éternellement avec ses revenus pétroliers comme seule ressource financière et un déficit de 14% du PIB. Si cette situation perdure une remise en cause de certains régimes comme nous le voyons actuellement au Venezuela pourraient se propager et créer un risque géopolitique majeur notamment au Moyen-Orient.

Evolution du pétrole brut en $
Evolution du prix du baril de pétrole brut en $. Source : OPEP

Dans une tribune au Financial Times du vendredi 11 août 2017 le gérant de Hedge Fund Pierre Andurand estime que le baril de pétrole va retourner à 100$ car nous sommes en bas de cycle. Bien que le consensus actuel estime que le pétrole devrait rester bon marché longtemps il ne manque pas de rappeler qu’en 2014 le consensus était qu’il ne s’installerait plus jamais durablement sous les 100$.

 

Liens :

Rapport de l’agence internationale de l’énergie 2016

Wikipédia, pétrole de schiste

Le figaro, pétrole de schiste

Deloitte, rapport sur l’industrie pétrolière

PWC, rapport sur l’industrie pétrolière

Rapport de l’OPEP, août 2017

Les Echos, coupe d’investissement 2016

Le temps.ch, février 2017

Challenge, introduction d’Aramco et émission obligataire Saoudienne




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